Article La Croix du 4 octobre 2010
« L’école catholique est ouverte à l’universel »
Pour Mgr Jean-Louis Bruguès, responsable du dossier au Vatican, l’enseignement catholique
dans le monde se distingue par sa compétence mise au service du bien commun. Son identité doit être affirmée, en préservant la liberté de conscience entretien avec Mgr Jean-Louis Bruguès Secrétaire de la Congrégation pour l'éducation catholique
La Croix : A travers ses discours, encore récemment au Royaume-Uni, le pape insiste sur l’«
urgence éducative ». Que veut-il dire ?
Mgr Jean-Louis Bruguès : Ce thème revient régulièrement dans ses interventions. À mon sens, il s’agit d’abord d’un signal d’alarme. Benoît XVI veut mettre en évidence une crise de la
mission éducative dans nos sociétés.
Les enseignants eux-mêmes disent la difficulté de leur métier. Lorsque j’étais évêque d’Angers, ceux que je rencontrais faisaient régulièrement état de la violence des très jeunes enfants qui leur étaient confiés, parce que l’école est le premier lieu où, à l’âge de 3 ans, un enfant pouvait être enfin confronté à un « non » venant d’un éducateur.
Par ailleurs, le métier d’enseignant, mal apprécié, mal valorisé, a perdu, dans nos sociétés, son
prestige social.
Enfin, nous avons vécu, depuis 1968, une rupture inédite de la transmission culturelle.
Contrairement aux ruptures précédentes, qui marquaient la fin d’un cycle, celle-ci relève de la
démarche volontaire d’une génération qui n’a pas voulu, pour des raisons idéologiques,
transmettre la culture dite « bourgeoise ».
« L’urgence éducative » désigne enfin un appel à l’espoir, comme si le pape invitait nos sociétés à croire en leur avenir.
Par vos fonctions, vous portez un regard global sur l’enseignement catholique dans le
monde, ses 40 millions d’élèves et étudiants. Quel en est le trait commun ?
Partout, nos écoles et nos universités sont fortement estimées pour leur compétence
professionnelle, leur pédagogie de l’accompagnement personnel. Même en pays musulman ou
bouddhiste, nous faisons ce constat. Cela est dû au fait que, depuis ses débuts, l’Église a mis en oeuvre sa mission éducative en visant à la formation de bons citoyens.
Comment définir aujourd’hui, dans nos sociétés pluralistes, laïques et multiculturelles,
l’identité de l’enseignement catholique ?
Pour moi, l’école catholique est une école ouverte à l’universel, à tous (sans distinction de milieu social ou de religion) et à la diversité des savoirs humains. Elle est curieuse de toute humanité.
Celui qui ouvre au savoir est donc un éducateur de la conscience. Cette première dimension est généralement bien honorée, mais elle ne suffit pas.
L’école catholique confesse également une foi particulière : la foi catholique est pour nous une
référence indispensable. À mon sens, dans le « grand marché éducatif », il n’y aura d’avenir pour nos établissements que s’ils sont réellement catholiques. Avec deux dimensions : tout d’abord, tout en respectant les diversités, tous nos élèves doivent suivre une initiation obligatoire à la culture chrétienne. Et puis, pour ceux qui le souhaiteraient, nous proposons un chemin de foi, une option catéchétique.
Nous constatons que, souvent, une formation à la culture chrétienne, tel le « parvis des Gentils» envisagé par le pape (1), fait apparaître une demande pour un tel chemin. La culture sert de terreau pour une annonce explicite de la foi.
Quel peut être le rôle social d’un enseignement catholique ?
Lors de la récente visite du Pape au Royaume-Uni, le ministre britannique de l’éducation me
confiait à quel point, dans son pays, notre enseignement favorise la cohésion sociale. À l’inverse, pour certains groupes, un enseignement confessionnel est facteur d’obscurantisme, de division sociale.
Et je m’interroge : dans nos sociétés indifférentes vouées à la consommation, au divertissement, une école catholique n’est-elle pas dans son rôle en répondant à des désirs sous-jacents, existentiels, souvent non formulés ?
Certains parents sont tentés, face à ces difficultés, par une école déliée du système officiel.
Qu’en pensez-vous ?
Aux États-Unis, ce phénomène est déjà ancien, en Europe, il se développe. Il faut le prendre au
sérieux. La crainte des violences scolaires, le souci d’un milieu plus serein, parfois plus cultivé,
est exprimé. Mais, si le milieu éducatif est trop protégé, comment le jeune pourra-t-il, plus tard, s’immerger dans la société ?
En France, la critique porterait plutôt sur la faiblesse de la formation à la foi dans les
établissements catholiques : la balle est dans leur camp. La question de fond est la suivante, me semble-t-il : quel rôle l’enseignement catholique peut-il jouer dans la « nouvelle évangélisation »?
La crise des abus sexuels peut-elle avoir des conséquences sur la crédibilité de
l’enseignement catholique dans le monde ?
Ces cas sont des scandales : quand vous confiez votre enfant à un éducateur, celui-ci doit être
irréprochable. Il faut dénoncer ces cas et en tirer les conséquences pour nos écoles.
Mais à travers la dénonciation de ces cas scandaleux qui doivent être jugés, il me semble observer parfois une certaine convergence d’intérêts visant à disqualifier le discours moral de l’Église, dans tous les domaines. Certains voudraient que l’Église ne s’exprime plus et donc qu’elle perde sa mission éducative. Or, Benoît XVI, récemment à Londres, comme à Paris, insiste sur l’indispensable place des religions dans la société, sur le rôle de la conscience personnelle à éduquer, sur les devoirs à l’égard des plus défavorisés.
Il me semble que lorsque le catholicisme parle ainsi, de façon juste, avec fermeté, clarté et
intelligence, il peut toucher les coeurs.
Recueilli par Frédéric MOUNIER, à Rome
(1) Dans ses voeux à la curie en 2009 , Benoît XVI a souhaité que l’Église ouvre « une espèce de “parvis des Gentils” où les hommes puissent en quelque sorte s’accrocher à Dieu, sans le connaître et avant d’avoir trouvé l’accès à son mystère ».
mercoledì 5 gennaio 2011
Une école ouverte à l’universel
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